Un après-midi de forge avec Can.
(Ou Ode aux photos pourries)
De passage sur mes terres natales, j'ai contacté Christophe Andrian alias Can alors de retour des terres sauvages et lointaines de Nouvelle-Zélande pour lui faire une petite visite.
Rendez-vous fut pris ce lundi (hier) pour le rencontrer au fin fonds du Massif des Bauges, au lieu dit le Montlardier sur la commune du Chatelard.
Je fus accueilli par deux terribles fauves qui gardent jalousement l'atelier et la maison. Nul doute que n'entre pas ici qui veut.
Après quelques palabres portant sur son année néozélandaise et un petit café, nous sommes descendus à son atelier.
Christophe m'a fait partager son savoir faire en me montrant les bases de son art avec beaucoup de gentillesse, de pédagogie et de patience. Nul besoin de préciser qu'il lui en fallait, vu le néophyte que je suis (Sinclair dirait plutôt le boulet mais bon, laissons de coté la sémantique, c'est inutile avec un alsacien surtout s'il est Bas-Rhinois).
Il est toujours fascinant de voir la forge en action, partir d'un cylindre de 5mm de section et 10 cm de long pour arriver à sortir cet objet qui nous fascine tous.
Après une petite séance didactique, Christophe m'a proposé de prendre les rênes ou plutôt les pinces et le marteau pour m'essayer aux rudiments de la forge et sortir une ébauche de couteau.
(Vous remarquerez les chaussures de sécurité que je porte )
D'abord, on chauffe puis on place le cylindre dans un outil de fabrication maison pour déterminer l'entablure, et bing un grand coup de marteau pour créer la gorge, on retourne le cylindre et bing un deuxième coup pour faire la gorge de l'autre côté. Évidemment avec plus de 15 ans d'expérience, CAN fait ça les yeux fermés et très rapidement au point que le cylindre n'a pas le temps de refroidir. Entre le maniement des pinces, l'utilisation de l'"entableur" et le marteau, j'ai du m'y reprendre plusieurs fois pour faire cette entablure.
On remet au chaud.
Et c'est reparti, j'étire maintenant la lame en essayant de l'aplanir de manière uniforme. Je ne dois oublier de redresser la lame, ce que justement j'ai oublié de faire mais Christophe me surveille et redresse ça en deux temps trois mouvements avec quelques coups de marteaux dispensés avec dextérité et précision.
Il est temps de façonner la pointe, si je ne veux pas finir avec un couteau à beurre. Étape que je n'ai pas su réaliser avec beaucoup de facilité, ayant peur de déraper sur l'enclume. En effet au risque de passer pour un boulet, il n'est pas évident et encore plus pour un gaucher contrarié de caler la tenaille contre sa hanche pour éviter le recul, de maintenir la pression sur les bras de la tenaille pour éviter que le cylindre rougeoyant ne finisse sur mes pieds, de conserver le parallèle entre la lame et la table de l'enclume, tout en buvant un café et frappant la pointe avec le marteau.
Heureusement Christophe est là pour réparer mes maladresses.
Enfin, il arrive le moment de commencer l'émouture, en réduisant le coté où se trouve le fil au marteau pour moins perdre de temps à enlever de la matière sur le backstand.
On écrase d'un côté puis de l'autre sans oublier de redresser la lame.
Généralement cela prend 15 à 20 minutes à Christophe pour faire le travail de forge sur une lame, votre serviteur a passé plus d'une heure dessus.
Ce dernier laisse les lames un jour dans un seau rempli de cendres pour les refroidir. Profitant d'une source naturelle qui s'écoule dans son atelier, il a refroidi mon couteau (si j'ose l'appeler ainsi) pour me permettre de repartir avec.
Nous avons regagné enfin l'étage pour nous désaltérer avec un jus de pomme maison tout en discutant sur les finitions que je désirais sur un couteau de table très léger pour les repas sous l'œil félin de la gardienne des lieux.
Je tiens à remercier vivement Christophe qui m'a accueilli dans son antre et qui m'a fait partager avec passion son travail.