Un dernier post à propos de mes travaux pratiques de cet été et je me calme un peu en attendant d’en refaire.
Un peu avant l’été, je lançais un appel sur le forum pour dire que j’étais à la recherche d’une personne pouvant me fabriquer deux lames en inox pour des higos. Comme c’était pour offrir à une fille, je voulais un couteau avec une lame qui ne s’oxyde pas, pour qu’elle ait un minimum d’entretien à lui prodiguer. Donc les lames de higos normaux en acier carbone n’étaient pas idéales.
À ma grande surprise, un prince a répondu auquel je n’aurais jamais osé demander la chose directement, il m’a spontanément proposé de me les réaliser. Le nom du gentleman: Stéphane Espi, Mr Bisous en personne.
Voici donc un petit projet doublement « spécial » à mes yeux.
D’abord parce qu’un des couteaux est un cadeau destiné à une amie, une jeune femme de 24ans assez extraordinaire, parlant déjà 5 langues dont le chinois et l’arabe et vivant à l’autre bout du globe. Elle m’a demandé de la conseiller pour s’acheter un couteau de poche et je lui ai plutôt proposé d’en avoir un d’unique, fait rien que pour elle.
Et puis parce que c’est une collaboration avec quelqu’un que j’aime beaucoup et pour lequel j’ai beaucoup d’estime.
Il va sans dire que c’était excité comme un gamin avant Noël que je surveillais ma boîte aux lettres durant tout le mois de juillet.
Initialement ne sachant pas trop qui allait les faire j’avais dessiné une lame à l’avance. J’ai envoyé le dessin à Stéphane qui a eu la bonne idée de n’en garder que les dimensions et de faire à sa sauce. Bien lui en a pris, je préfère mille fois avoir une lame signée de lui dans son style qu’un modèle servilement exécuté.
Je les découvrais enfin 3 semaines après et tombais sous le charme de leur forme alanguie, rappelant une feuille de bambou stylisée ou une aile de libellule.
J’ai eu un grand plaisir à les monter, en fait je me suis précipité à le faire aussitôt les lames arrivées.
Stéphane n’a pas juste fait une lame lambda, mais a trouvé un dessin qui s’accorde parfaitement avec le bambou, un profil organique, sans agressivité mais pas sans caractère. Il a « compris » sans avoir besoin d’explication. Normal, c'est lui le "pro" et moi l'amateur. Son apport est important dans l’esthétique des couteaux qui prennent à mes yeux une ligne beaucoup plus « moderne » avec ses lames qu’avec celles de higos traditionnels.
Pour moi cette expérience a été très enrichissante. Le principal challenge était l’adoption d’une lentille « rentrante », non aplatie, puisque Stéphane ne forge pas mais travaille par enlèvement de matière. Je voulais trouver un moyen d’éviter de mettre un stop pin parce que je veux rester le plus simple possible et ne pas ajouter d’éléments supplémentaires qui nuiraient à l’esthétique. L’idée est aussi d’éviter tout point de tension dans le bambou autre que le pivot dont la pression est réglable. Pour que sa souplesse naturelle ne s’exerce qu’à cet endroit précis et parce qu’en voyageant avec un de mes higos, j’ai constaté des changements dans la friction, signe que le bambou réagissait à l’humidité et à la température ambiante. L’absence de rivet permet de le laisser vivre sans que ça ait de conséquences autres qu’un resserrage ou un desserrage de la vis du pivot.
J’ai résolu le problème en laissant simplement la lentille s’appuyer dans le bout de sa fente légèrement oblique. Comme le dos du manche est courbé, il est assez épais à cet endroit-là. En plus je peux régler la profondeur en modifiant la pente. Rien de révolutionnaire me direz-vous mais je découvre ce genre de problématique un peu de manière empirique.
Bref ce fut riche d’enseignement à propos de la forme idéale qu’aurait cette lentille sur de futures lames.
Les deux higos ont des manches en racine de bambou.
Ils sont finis à l’huile de Tung.
Les étuis sont faits de la même matière mais d’une autre espèce plus épaisse.
Le long sombre est muni d’une lame en rwl34, le petit clair d’une lame en D2.
Elles font toutes deux 74mm de long et 3mm d’épaisseur.
La seule modification que je me suis permise a été de les patiner un peu au perchlo.
Suzhou est une jolie ville chinoise près de Shanghai, une Venise asiatique avec des canaux, des vieux quartiers préservés et de magnifiques jardins mandarins inscrits par l’Unesco au patrimoine Mondial de l’humanité.
Pourquoi deux ? Parce que je voulais pouvoir choisir celui qui conviendrait le mieux à mon amie en essayant deux directions différentes.
J’ai finalement décidé de lui offrir le sombre, plus féminin et plus élégant avec une lame ornée d’un petit contre tranchant.
L’autre il est dans ma poche, c’est devenu mon EDC du moment.
La lame de Stéphane est vraiment plaisante à utiliser. Ça coupe vraiment rasoir, c’est facile à affûter et ça tient super bien le fil.
Merci Mr Bisous