par Madnumforce » 21 Mai 2016 13:38
De ce que je sais, ces couteaux étaient assez peu utilisés. Déjà parce qu'ils ont été peu fabriqués, et pas forcément bien distribués dans les tranchées où, si l'on avait besoin d'un couteau, on pouvait se le bricoler à partir d'une baïonnette (pendant la Première il y avait encore des forges de campagne et des ateliers mobiles, notament pour l'artillerie je crois), ou simplement prendre un gros couteau de cuisine. Et puis un couteau, c'est pas forcément ce qu'il y a de plus efficace, surtout s'il faut s'en servir en pleine nuit, le plus rapidement possible, et avec l'adrénaline à 4000%. Pas évident de garantir l'hémorragie létale, et la douleur n'est pas forcément incapacitante. Au final, en plus d'être pragmatique, le choix de la pelle ou du gourdin de tranchée (dont les anglais s'étaient fait une spécialité) obéit aussi à un impératif d'efficacité: briser le crâne, détruire les épaules, casser les côtes, ce sont des blessures qui, si elles ne causent pas la mort ou l'inconscience, génèrent une douleur immense et immédiate, donc efficacement incapacitante, et au final c'est cet effet incapacitant qui est réellement recherché. Avec un couteau, on ne peut guère compter que sur l'hémorragie ou la section des muscles et des tendons, ce qui est bien plus difficile à réaliser dans les conditions du "nettoyage de tranchées" qu'une simple série de coups furieux sur tout ce qui dépasse d'un truc qui bouge dans le noir qu'on attaque par surprise.
Ah, la Première Guerre Mondiale...
Avant de m'installer à Thiers, j'étais en région parisienne. Un jour, on a du aller à Strasbourg. J'étais "copilote". J'avais devant moi, sur mes genoux, la carte routière de la région, où s'étalaient avec une régularité admirable les petits pictogrammes de ruines et de cimetières militaires. Quatre années d'horreur et de massacre d'une ampleur sans nom, résumés sur une simple carte, mouchetée de petits pictogrammes. Encore aujourd'hui quand j'y repense, il faut que je retienne ma sensibilité de s'exprimer. Espèce si formidable et si exécrable que nous sommes...