Comme promis il y a quelques temps sur un autre fil voici une revue du dernier katana arrivé à la maison. Je vous le dis d'entrée : j'ai fait long ! J'ai tenté de condenser au max mais c'est pas facile de faire le tour de tout en détail en restant concis
Si vous avez un sabre à la maison et que vous vous sentez de nous faire un retour, hésitez surtout pas à prendre la suite
Bugei trading compagny :
Un bref rappel pour ceux qui n'avait pas suivi le fil précédent ( https://forum.neoczen.org/viewtopic.php?f=23&t=36613&start=0 ).
Bugei était une société américaine qui commercialisait des sabres japonais fabriqués en chine par Hanwei, mais réalisé d'après leur propre cahier des charges. Le principe était simple : faire concevoir les sabres par des experts (artistes martiaux mondialement reconnus, ou artisans du sabre renommés ), confier la fabrication à une des meilleures forges chinoise et embaucher 2 des tout meilleurs polisseurs occidentaux pour assurer un contrôle qualité hyper rigoureux.
Sur le papier c'était génial, dans les faits c'était un enfer à gérer. Je ne sais pas si ce sont ces difficultés qui ont amené bugei à fermer ses portes, mais cette aventure à pris fin en janvier de cette année.
La gamme 5160 :
Pendant longtemps les lames des bugei étaient forgées en K120C et recevaient une trempe sélective traditionnelle.
La volonté de James Willams (patron de bugei) d'ajouter une entrée de gamme à leur catalogue a abouti à la création de 4 modèles dont les lames étaient forgées en 5160 (acier à ressort), trempées intégralement, polies moins finement mais disposant des même raccords, des mêmes géométries de lame et surtout du même contrôle qualité que leur gamme supérieure.
Dans les faits il s'agit plus d'une gamme utilitaire que véritablement low cost, car ces sabres restent 2 voir 3 fois plus chers que les katana avec trempe intégrale que proposent les autres marques, mais leur réalisation est elle aussi bien différente.
Le bamboo katana :
Ce katana est inspiré par les lames de l'ère Nambokucho ( 2nd moitié du XIV siècle ). Ces lames étaient massives, lourdes, dotées d'un hira niku ( émouture convexe ) conséquent et souvent bien plus longues que celles qui leurs ont succédées ( a tel point qu'elles furent presque toutes raccourcies par suite ).
J'ai opté pour la version courte de ce sabre ( plusieurs tailles au choix ) mais longueur mise à part on retrouve bien toutes les caractéristiques des lames de cette période.
( lame du haut )
Bon, clairement c'est une vraie petite bombe. Y a rien de vraiment clinquant, tout est sobre et bien fait. C'est manifestement un katana pensé pour l'usage plus que pour la collection. Et autant le dire, il est très bien pensé . Je ne me suis pas encore complètement habitué à son poids ( il fait 350gr de plus que mon précédent sabre et ça change beaucoup l'équilibre ), mais c'est un coupeur ultra efficace. Par contre il faut impérativement une certaine habitude et de bons bras pour contrôler une lame pareille.
Pour donner une petite idée, voici le résultat d'une séance de coupe " sans effort " à une main :
Mensurations :
Longueur de lame ( de l'habaki à la pointe ) : 71cm
Epaisseur : 8 mm à la base, 5 mm au yokote
Largeur : 33mm à la base, 25mm au yokote
Tuska ( le manche ) : 28cm
Longueur totale : 104.5 cm
Poids : 1.3kg ( c'est lourd )
La lame :
Je suis amoureux de cet acier … C'est pas nouveau mais cette lame confirme tout le bien que j'en pensais. Il coupe bien, reste assez tranchant pour couper du papier à la volée très longtemps, il ne fait pas de dents et surtout absorbe des chocs hypers violent sans plier ni casser. Hanwei le traite à 57/58 HRC au niveau du fil et, bien que ce ne soit mentionné nul part, y applique très certainement un revenu sélectif. Si j'en suis aussi sûr c'est qu'en testant les duretés à la lime, j'ai trouvé un dos de lame à 51/52 HRC. Je ne prétend pas que c'est le meilleur acier ni son meilleur traitement, mais en tout cas c'est une configuration que je connais bien et que j'aime suffisamment pour l'utiliser, quasiment à l'identique, sur tous les gros couteaux que je forge depuis quelques années.
Le polissage est assez soigné : le shinogi-ji et le mune sont poli mirroir et le shinogi est un tiré en long au grain 600, je pense. Le choix du tiré en long n'est pas le plus joli ni le plus tradi, mais c'est une finition facile à entretenir et qui ne sera pas ruiné par un aiguisage hasardeux ( ou du moins facile à arranger ).
Le yokote ( la petite arrête entre la lame et la pointe ) est géométrique ( c'est à dire qu'il existe vraiment et n'est pas juste un effet de polissage ) et symétrique ( au même endroit des 2 cotés de la lame).
( lame du haut )
Le Habaki est à l'image de tout le sabre : simple mais super bien foutu ! Un ajustage parfait et des arrêtes qui correspondent parfaitement à celle de la lame :
Le Kissaki est renforcé par une sur épaisseur :
Pour en finir avec la lame, je n'ai pas réussi à faire ressortir le niku en photo ( j'ai même failli me couper méchamment en essayant ), mais il est bien présent et surtout bien foutu ! C'est un vrai hira niku, qui part de l'arrête centrale de la lame et qui se poursuit régulièrement jusqu'au tranchant. Il apporte beaucoup de solidité au fil et facilite ( du moins je trouve ) la coupe des cibles dures. Reste à voir ce que ça donnera sur un triple tatami .
Les raccords :
En deux mots : sobres et solides.
La tsuba est en cuivre, très simple et colle au thème bamboo du truc. Le choix du cuivre est pour moi une bonne option. C'est costaud et même après des années d'usage, quand le traitement noir commence à se barrer, ça reste joli ! Et comme pour l'habaki l'ajustage est pas mal du tout. Vous me direz : " On s'en fout, on le voit pas quand le sabre et monté ! ". Alors, c'est vrai mais perso une garde qui fait clic clic chaque fois que je manipule mon sabre, ça m'agace prodigieusement !
Le fuchi et le kashira ( les trucs en ferraille en haut et en bas du manche ) sont en laitons, d'une belle épaisseur et bien ajustés. Et eux aussi sur le thème du bamboo
La tsuka semble en chêne ( comme souvent chez Hanwei ), bien ajustée et très simple. Le Ito ( tressage ) est en soie synthétique ( la matière la plus durable après la soie naturelle qui coûterait €€€€€€€) et bien tendu ( moins qu'avec du coton mais c'est quasi impossible de faire mieux ), le tressage est alterné et tendu grâce à de petit triangle de papier glissés sous la soie, bref c'est bien fait, quoi ! Le same ( galuchat ) est d'une qualité correcte mais pas folle non plus ( un seul noeud impérial ). Comme toujours ce ne sont que des bandes de peau de raie placées de chaque côtés du manche et pas un habillage complet qui renforcerait pourtant l'ensemble ( mais faut pas rêver : en indus ça existe pas, y a que citadel qui le fait et c'est plus vraiment de l'indus ). Par contre ces bandes de galuchat remontent jusque sous le fuchi et ça c'est plutôt bien ( ça évite d'avoir du bois qui apparaît si le same se rétracte )
Les menuki sont dorées sans grand intérêt
La saya est en bois avec des empiècements en corne de buffle. Elle était bien ajusté à réception mais à pris un poil de jeu depuis ( c'est rien à arranger ). Elle est vernie façon goutte d'eau, c'est en fait une finition utilitaire moins fragile qu'une laque standard ( et aussi un peu moins chère à réaliser )
Pour conclure :
Il n'y a rien de tape à l'oeil sur ce katana, on pourrait même se dire que pour 800 balles ( prix en Europe ) ils auraient put se fouler un peu les ricains. Pas de hamon qui claque, pas de polissage à la pierre grain 123842, pas de raccord sculptés de fou, rien qui excite le geek qui sommeille en nous …
Seulement voilà, ce sabre à tout ce qu'il faut où il faut : top acier, top Tth, top ajustages, un équilibre de fou malgré un poids conséquent, une géométrie excellente … Bref, ce sabre, il poutre grave sa race !!!!