par Phare Aeon » 21 Jan 2007 12:34
Je crois qu'on a tous ce petit problème :
on achète un superbe couteau qui nous provoque une pâmoison discrète à chaque fois qu'on fait jouer le sensuel mécanisme qui déploie la lame, élégante, polie, vierge et aigüe
on regarde cette lame, ce manche, cette lame, ce manche, ce tranchant, cette lame, ô cette laaaame !!!
et on le referme soigneusement de peur de l'égratigner, de racler le beau poli, de griffer le bois …
en fait (et heureusement, cette contemplation est assez malsaine), la première rayure/griffe/égratignure dépucelle le couteau, et là on se sent libéré de ce carcan de perfectionnisme qui nous emprisonnait avant, on s'approprie réellement cet objet qu'on veut être personnel, personnalisé, personnifiant, et enfin on s'en sert comme il se doit, comme il a été conçu, avec un acier qui est fait pour trancher, tartiner, percer, faire levier (oui! aussi), ouvrir des boîtes de conserve, étaler du nutella, ouvrir des blisters, taquiner le saucisson, tailler un bâton de noisettier, ouvrir des huitres, des enveloppes, des colis, râcler la terre autour d'une piècette mérovingienne découverte au détour d'un chemin de randonnée, sabrer le champagne, dépiauter le lapereau, et que sais-je encore …
Chaque marque rappellera un moment de sa vie.
Il fut une époque où les gens (de la campagne essentiellement) débourraient toutes leurs affaires après les avoir achetées pour qu'elles n'aient pas l'air trop neuves, de peur d'attirer les quolibets de leurs compères, car des habits trops neufs, des outils trop neufs étaient synonymes soit de jeunes inexpérimentés soit de gens de la ville (donc inaptes).
Un outil qui porte des marques d'usage et d'usure prouve l'aptitude du porteur à l'utiliser, sa compétence en quelque sorte.
Pour en revenir à ta question, non.
Who wants to live forever ?
Mon point de vue …
Le monde où l'on pense n'est pas le monde où l'on vit - Gaston Bachelard