Bonjour,
rien de bien révolutionnaire dans cette anecdote, mais il y a moult années, un de mes oncles, agriculteur, me réquisitionnait chaque été pour l'aider à rentrer ses bottes de pailles après la moisson. Il hébergeait un vieil ouvrier agricole, un peu simplet, qui parlait avec un fort accent berrichon, et dont la conversation était assez décousue.
Un jour, alors qu'on chargeait les bottes à la fourche, cet ouvrier commence à me raconter qu'il avait vu des soldats dans les champs, et qu'ils avaient perdu un "coutiau à cran d'arrêt". J'oublie l'histoire jusqu'à ce que, plusieurs jours plus tard, au moment de la pose du repas, ce garçon reparle de ce fameux couteau et propose d'aller le chercher dans sa chambre.
Là, j'avoue ma surprise totale quand il revint avec une baïonnette FAMAS à la main, sans fourreau. Le petit clip qui permettait de fixer l'arme sur le canon du fusil lui avait inspiré l'idée du cran d'arrêt. J'eus un peu plus d'explications avec mon oncle, qui avait bien vu des fantassins en manœuvres dans le secteur. Un de ces pauvres types avait dû perdre sa lame, avec toutes les conséquences disciplinaires qu'on imagine pour lui.
La baïonnette ne pouvant servir à rien de précis dans son travail, l'ouvrier m'en a fait cadeau. Je L'ai conservée soigneusement rangée dans un endroit vite accessible pendant les trois années de service militaire de mes deux cousins et de moi-même, en me disant qu'en cas de pépin, ça pourrait éviter à un de nous trois de faire six mois de "trou" (c'était le tarif à l'époque pour la perte d'un équipement comme celui-là).
Ni les uns ni les autres n'avons connu de soucis pendant nos temps respectifs. La baïonnette est toujours là, plantée dans une poutre de ma grange, et est très appréciée par les hirondelles qui viennent s'y percher pour narguer les chats de la maison !