Ni des jours, ni des semaines, ni des mois: des années. L'avantage d'avoir un taff à coté, c'est qu tu n'as pas besoin de ça pour vivre: il te suffit de rembourser les frais engagés pour faire les salons pour être rassuré. La coutellerie custom est un petit monde très concurrentiel: le pool d'acheteurs potentiels n'a pas énormément gonflé, par contre celui des producteurs croit à une vitesse très élevée. La situation économique ne nous est pas très favorable non plus, les inégalités se creusent, et le revenu disponible à dépenser en biens de confort pour la classe moyenne ne croit pas, voire se réduit. C'est peut-être compensé par une visibilité croissante de notre secteur d'activité, qui élargit notre marché (il y a de plus en plus de salons de coutellerie qui se lancent). Mais bon, ce qui est certain c'est que la situation est quand même très tendue. Et il ne faut pas se leurer: on est dans une consommation de confort, plus ou moins ostentatoire, nos acheteurs n'ont pas besoin de nous, en tout cas certainement pas autant que nous d'eux.
Ayant moi-même fait l'expérience d'un "décollage" laborieux et dans la douleur (en partie du à ma propre connerie et obstination, hein), j'ai pu constater que les déterminismes derrière cette consommation sont extrêmement evanescents. Il y a bien sûr un aspect grégarité/conformisme assez fort sur certains produits/producteurs, qui, étant incorporé par les acheteurs, est largement inconscient, encore qu'il s'appuie aussi sur des éléments objectifs rationnels (tel coutelier est connu et coté, et de manière stable et durable, si jamais je me lasse de cet achat je pourrais le revendre quasiment sans perte, peut-être même avec une plus-value), mais en tant que producteur on ne décrète pas de bénéficier de ces mécanismes, la connaissance de leur existence n'est donc d'aucune utilité dans l'élaboration d'une stratégie productive et commerciale. Abstraction faite de ce type particulier de déterminisme comportemental bah... il n'y a pas grand chose qui se dégage! Il y a un minimum de rapport qualité/prix à fournir, bien sûr, mais à part ça, les raisons du succès ou de l'échec dans un créneau occupé et concurrentiel sont arbitraires, et il n'est même pas dit qu'il en existe vraiment. Et je fais cette analyse à la fois en temps que marginaliste et que bourdieusien (et boudieusien hardcore).
Il y a donc trois solutions, je dirais: soit patienter dans le créneau qu'on occupe, en s'ajustant au fur et à mesure pour travailler les aspects objectifs qui semblent déclencheur de l'acte d'achat (compliqué à cerner, comme je disais: c'est beaucoup les préférences individuelles de l'acheteur, mais on peut chercher à voir si un pattern émerge), soit investir un créneau moins occupé et concurentiel, soit tenter modifier la perception des acheteurs (du marché, donc) de façon à mettre en place son propre créneau. Ce que j'entends pas "créer son créneau", c'est faire incorporer aux acheteurs une ou plusieurs catégories/distinctions qui deviennent de nouveaux critères de considération d'un produit. Quelque part, "trouver son style" c'est un peu ça, c'est adopter une logique dans la production à laquelle on se tient, et que les clients finissent par reconnaître
à force de répétition. Ils ne l'apprécient pas tous forcément, mais c'est déjà mettre un pied dans la porte de leur cerveau et cesser d'être un anonyme indistinct. Avoir un style "reconnaissable", c'est à dire reconnu (dans le sens où un client un peu au fait du marché saura dire: "Ah, mais c'est un Carbo!" d'un couteau qu'il n'a jamais vu auparavant), c'est déjà dépasser la vente "coup de coeur"/"one shot" non-reproductible et dont aucune des raisons n'est identifiable. Lorsque les clients savent reconnaître du Carbo et achètent, au moins Carbo sait qu'en "faisant du Carbo" il ne ruine pas 100% des raisons qui font qu'il vend.
C'est un peu sibyllin, non?
EDIT:
aliaswonder a écrit:Carbo pas Cardo
