Je me permets (parce que je me permets) de double-poster sur ce thread pour cause d'avancées sur la serpe "façon Langres" Mutel, et puis parce que je pense que ça illustre fort bien ce qui a été dit au début par Madnum !
Donc, premièrement, l'énigme de Damparis est résolue. En fouillant un peu, j'ai découvert un type qui vendait de vieilles factures du début du siècle de la taillanderie Mutel Père & Fils, à Damparis (par Marcilly), qui avaient également une spécialisation dans les serpettes. Témoin cette facture de début 1916, ou M. Mutel père mentionne sa difficulté de répondre aux demandes de ses clients, étant seul à la taillanderie, peut-être à cause de la guerre...
Mais bref, Marcilly-en-Bassigny se trouvant résolument en Haute-Marne, j'ai fureté un peu et trouvé trace d'un lieu-dit appelé Damparis sur la commune de Celles-en-Bassigny, plus précisément entre Marcilly et Varennes-sur-Amance. Comme quoi, au final, toutes mes serpes de forme "locale" auront été de fabrication locale, aucune grande firme à se mettre sous la dent...
On pouvait y trouver un moulin installé sur un cours d'eau (le ruisseau du Val de Presles), ce qui explique le terme d' "usine hydraulique" de l'en-tête.
Mais bref, passons à la pratique. La lame et la virole, après nettoyage, étaient impeccables, mais le manche était franchement fin pourri. Fendu, bouffé par les xylophages, il sonnait creux rien qu'à le prendre dans la main. J'ai donc décidé de résoudre le souci, vu que les serpes c'est développement durable. Après avoir fendu le manche, redressé la soie et récupéré la virole, j'ai jeté un œil sur le bois pour voir comment il était conçu.
D'abord, le trou du haut bien rectangulaire, pour y glisser la soie, assez large à cet endroit.
Ensuite, le bas, sur lequel on peut voir le sillon tracé pour y ranger la soie repliée sans qu'elle ne dépasse mochement du cul.
L'avantage des serpes les plus anciennes comme ça, c'est que les manches n'étaient pas d'une forme un peu complexe réalisée au tour à bois comme sur celles de l'entre-deux guerres : ils sont simples et bien cylindriques. Je me suis donc emparé d'un manche de râteau que j'avais en stock (hêtre, probablement ?) dans lequel j'ai découpé un tronçon de grosso modo 15cm. Après un petit passage rapide sur la ponceuse à disque pour niveler les deux extrémités et faire le gros de la réduction de diamètre pour la virole, j'ai fait un perçage central au tour, puis j'ai enfoncé la virole en force sur le manche.
Après, ne disposant pas de mèche à percer des trous rectangulaires (
), j'ai pris le ciseau pour agrandir le trou :
J'ai également sans difficulté fait cette sorte d'encoche pour la soie :
Après, direction l'étau et le maillet, pour enfoncer en force la soie sur le manche, jusqu'à arriver en butée sur la virole.
Ensuite, on continue à taper dessus, tel l'Ulysse d'Homère, pour rabattre la soie dans l'encoche
ad hoc.
Et voilà ! Plus qu'à passer un coup de ponçage sur tout ça pour une texture smooth, et bien sûr un bon gros frictionnage à la cire d'abeille pour protéger un peu le tout et donner un bon jaune radioactif.
Changer le manche d'une serpe, une vraie partie de plaisir !