par historien » 29 Mar 2010 11:17
Acheter un laguiole ancien :
Qui n’a pas rêvé de posséder un laguiole ancien ? La brocante, les antiquaires, les petites annonces des revues, l’achat aux enchères publiques, les enchères sur internet, une bourse aux collectionneurs, l’achat à un particulier ou l’échange avec un collectionneur, un salon coutelier, un couteau en dépôt chez un coutelier d’art pour un de ses clients, un revendeur de couteaux, un site spécialisé dans la vente de couteaux anciens, tous les chemins mènent au laguiole. Pour éviter quelques déconvenues, quelques précautions sont conseillées. Il ne faut jamais se laisser envahir par l’émotion d’une hypothétique et miraculeuse trouvaille, le « couteau du siècle ». Il faut toujours prendre un peu de recul, et analyser les caractéristiques mises en avant par le vendeur, essayer de voir le détail qui peut paraître anachronique par rapport à la datation avancée. La plus grande partie des vendeurs particuliers ou professionnels sont honnêtes mais pas toujours très compétents, il faut donc prendre avec prudence les descriptions de mise en vente. Récemment plusieurs phénomènes se sont développés qui peuvent nous mettre la puce à l’oreille : la « remonte » à partir de pièces anciennes est un grand classique. Si la remonte est annoncée par le vendeur, ce n’est pas trop grave, vous achetez un couteau presque ancien. On trouve ainsi des laguioles des années trente en remontage. La lame a sa longueur initiale comme neuve, le ressort est brillant à l’intérieur, pas de dépôt de crasse, le manche en ivoire est souvent bien blanc et les clous brillants. Parfois le vendeur a pu vieillir et jaunir l’ivoire pour donner l’apparence ancienne. Il faut sentir le manche du couteau, si une odeur de sapin ou de potassium se dégage alors méfiance. Certains couteaux à manche en corne sont remontés avec un manche en ivoire pour les vendre plus cher. Il faut regarder l’aspect des clous à l’intérieur, voir si ils ont du vert de gris ou si ils sont brillants. Parfois la lame n’est pas d’origine, cela est normal sur un couteau ancien qui a vécu. Le propriétaire a pris le soin de la faire changer pour que le couteau continue son parcours utilitaire. Par contre on peut retrouver des couteaux montés à partir d’un stock de lames de marques prestigieuses, la lame pourra être retaillée pour s’adapter. Il faut donc se méfier des lames de couteaux anciens dont la longueur de lame correspond pile poil à la longueur du manche, parfois les maladroits n’ont pas enlevé le petit millimètre de trop, et là c’est un peu plus voyant. Certains vieillissent les lames dans un bain, le traitement si il est irrégulier peut être décelable. Pour voir si les cotes ont pu être changées, en dehors de leur aspect, il faut regarder à l’intérieur de la platine, regarder les dépôts de poussière dans les interstices, regardez aussi si un trou dans la platine ne correspond à aucun clou, cela peut indiquer un changement de cotes. Quand la lame est d’origine, le dos du ressort et le dos de la lame sont alignés, le bas de l’entablure n’est ni en retrait ni ne dépasse de la platine. Si le talon de la lame n’est pas de niveau avec le bord inférieur du manche du couteau, la lame a certainement été changée. Il ne faut pas oublier que les couteaux les plus anciens ont des ressorts forgés. On reconnaît un ressort forgé à l’épaisseur qui va en diminuant plus on s’approche de la queue. Si le ressort présente des bords parallèles tout le long, alors il a été soit fabriqué par découpe et donc n’est pas plus ancien que le début du XXe siècle, soit le ressort a été fabriqué au backstand tout récemment. Un vieux couteau en ivoire, selon le lieu où il a été stocké, présentera une cote plus jaunie que l’autre. La tentation peut être grande de rajouter un décor à la lime, un guillochage à l’imitation des guillochages anciens. La crotte de polissage laisse des traces noires dans les creux qui sont le plus souvent absentes sur les couteaux bidouillés. Parfois les vendeurs annoncent « ressort forgé », si la mouche présente deux boursoufflures sous la mouche, l’une à droite à l’avant et l’autre en arrière de l’autre coté, ce sont les traces de l’arc électrique et alors on a affaire à une mouche soudée. Dans le cas de la mouche soudée, il y a une discontinuité visible entre le ressort et la mouche. Notre couteau n’est alors pas plus vieux que les années trente. Si la mouche soudée est décorée d’une abeille alors notre couteau est des années cinquante ou plus récent, surtout si la croix du berger est présente sur le manche. Si un laguiole ancien présente des mitres, il est thiernois. Si les spires du tire-bouchon présente une fine rayure (filet) tout le long des spires, on a aussi affaire à une fabrication thiernoise. Si l’onglet est court et éloigné du dos de la lame, on a certainement affaire à une production ancienne laguiolaise. Si l’onglet est long ou en croissant, le laguiole vient de Thiers. Les platines anciennes présentent des traces d’usure, des bords attaqués par les chocs et l’action des outils traditionnels du monteur, les marques de coups doivent être dissymétriques d’une cote à l’autre, sinon méfiance. Les traces de vert de gris ou l’accumulation de salissure entre les platines et les cotes sont un point encourageant pour l’acheteur. Un fabricant de poinçons de marque a eu la surprise d’être approché par une personne qui voulait faire réaliser un poinçon marqué « Pagès à Laguiole » et un autre marqué « Mascadet à Laguiole ». Bien sur vous avez compris qu’il s’agissait d’un contrefacteur. Il faut regarder l’intérieur de la marque. Une marque ancienne devrait présenter de l’oxydation à l’intérieur des lettres, une usure irrégulière des lettres, des salissures ou de la crotte de polissage. Plus le couteau est coté, plus la tentation pour le faussaire est grande. Les grands laguioles à cran d’arrêt et les figurines anthropomorphes de Crocombette peuvent atteindre une fourchette entre 2 000 et 8 000 euros voire plus. Il faut donc examiner le couteau à la loupe d’horloger et déceler les éventuelles traces d’outils modernes, comparer avec des œuvres connues dont les photos ont été publiées. N’oubliez pas qu’en achetant à un antiquaire, vous avez une garantie d’expertise, il est tenu à la description et la datation sincère des objets qu’il vend.
Ce petit post ne devrait pas trop démoraliser.
C'est juste quelques pistes de réflexion , on s'est tous fait avoir un jour ou l'autre, c'est comme cela que l'on se vaccine.
Parmi les membres du forum, certains ont il vécu ce genre de déconvenue ou mauvaise surprise?
Bien à tous,
Christian.