Coucou tout le monde,
il y a quelques temps j'avais échangé 2 ou 3 mails avec Achim Wirtz à propos du wootz et d'autres trucs. Il vient de m'envoyer l'autorisation de publier ici l'article qu'il m'avait communiqué à l'époque; il m'a même posté un petit bonus que je vous transmet aussi.
Cet homme prit la peine de répondre à mes nombreuses questions d'amateur rapidement, avec patience, cordialité, humilité et en Français, inutile de vous dire que je l'aime beaucoup.
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Le Wootz
Wootz, selon les expériences de l’auteur, n’est pas une seule sorte d’acier mais plutôt une méthode spécifique de travail ou production pour faire un acier complètement différent de tout ce qu’on a l’habitude de connaitre de l’industrie et de la métallurgie artisanale.
C’est une matière spéciale qui était produit en plusieurs pays de l’Asie centrale, mais surtout en perse antique, pendant presque 15 siècles entre le 4ème et le 18ème siècle. Quand il était produit dans plusieurs pays et cultures il était connu sous des noms très variés. Jaudhar, jawhar, kara chorassan, kirk nerduban, pulad, fulad al hindi, fulad al dimashqui, bulat, ukku, vaj, vajra, vajna sont seulement quelques uns des noms différentes pour cette matière.
La matière première utilisée pour produire un tel acier selon la méthode traditionnelle peut être du fer, des aciers, des fontes différentes, du charbon de bois ou des pièces de plantes différentes.
Depuis des années j‘utilise de la fonte Sorel contenant 4,4% de carbone. Cette fonte est mélangée avec du fer pur pour baisser le taux de carbone jusqu’à le pourcentage nécessaire.
Mais j’ai aussi utilisé de la fonte de bas fourneau, du fer ancien ou du fer de bas fourneau aussi bien que le fer pur mélangé au graphite et a la préalliage métallurgique de vanadium.
La fonte du minerai Sorel est choisie pour sa teneur en vanadium. Le mélange complet pour réaliser un lingot qui pèse entre 1 et 2 kg est fait de manière à obtenir au final un taux de carbone entre 1,3 a 2,0 % selon le résultat désiré.
Pour fondre l’acier, nous utilisons des creusets en argile fortement chamotté, alumine ou en graphite d’un diamètre d’environ 80 a 100 mm. La principale source de chaleur est un four a gaz ou un four a conduction électrique, mais c‘est aussi possible de utiliser un four au charbon de forge, coke ou charbon de bois, comme nous les avons construit à la Fête du Fer en 2003 et 2004.
Au mélange initial, nous ajoutons du verre pilé, ou de sable de quartz, évitant ainsi à l’oxydation de se développer.
L’ensemble de ce mélange est placé dans un creuset recouvert d’un couvercle, puis mis en fusion dans un four fermé à une température de aux environs 1 500° Celsius.
Après fusion, celle-ci durant 30 minutes à trois heures en fonction du four, la température du four est réduite très lentement, assurant la solidification de l’acier au bout de 60 à 90 minutes.
Une fois le contenu complètement solidifié, le four est éteint et la température du creuset peut diminuer pour atteindre la température ambiante au bout de 5 à 7 heures.
Après avoir été refroidi, le creuset est sorti du four et le lingot soit se détache tout seul du creuset, soit est extrait du creuset à l’aide d’un marteau. L’on procède ensuite à l’examen du lingot pour voir s’il présente des soufflures ou autres défauts.
Remarque : Si vous coupez ce bloc et lui appliquez du perchlorure de fer, vous pouvez voir apparaitre une structure dendritique. Il s’agit de dendrites de ferrite qui se sont formées pendant le lent refroidissement du lingot. Ces dendrites ont de 2 à 30 mm de longueur et peuvent être observées sans agrandissement.
Après refroidissement, le lingot d’acier est à nouveau chauffé à 1 100-1 150 °Celsius pendant 30 minutes à 8 heures dans un four (électrique, à gaz ou au charbon de bois) offrant une atmosphère oxygénante pour obtenir une couche décarburé et tendre qui nous permet de forger le bloc sans le casser. Puis il est refroidi à la température ambiante.
Le bloc d’acier est ensuite chauffé à plusieurs reprises et forgé. Concrètement, le bloc est chauffé à environ 900° à 950°C selon le taux de carbone, puis refroidi à environ 700 °C. C’est pendant cette période de refroidissement que le lingot peut être forgé et mis en forme. Du fait de son extrême dureté, ce travail est habituellement réalisé au marteau-pilon.
Après refroidissement à 700°C, le lingot est à nouveau chauffé et ce processus est répété entre 80 et 200 fois. Le lingot est forgé à plat par les côtés et le fond du lingot va être le tranchant de la future lame.
La barre plate en résultant peut être forgée en toute forme de couteau ou d’autre objet, mais en laissant toujours 0,3 à 0,5 mm de surépaisseur sur toute la surface car il y a toujours une couche externe tendre. Cette couche doit être supprimée avant le forgeage et le meulage final du couteau ou de l’objet.
La trempe n’est pas nécessaire avec le Wootz, car il s’agit d’un acier qui ne coupe pas par les carbides qui se trouvent dilués dans la masse, mais avec les lignes de carbides qui se forment durant le processus.
Après un ponçage à la main au grain de 1000 et un polissage a la frotte, les lames sont révélées au perchlorure de fer. Après deux révélations de 60 secondes dans une solution de perchlorure de fer à 25% (entre les deux cycles, la lame est nettoyée au Micromesh à grain de 8 000), la lame est neutralisée et nettoyée sur la frotte. Pour terminer il suit un dernier cycle de révélation de 5 à 15 secondes dans le perchlorure de fer. Ensuite, la lame est neutralisée directement en la frottant avec de l’eau et du savon à doigts nus. Enfin, la lame est recouverte d’huile à canon (Ballistol).
Aspects métallurgiques
Le minerai qui est utilisé pour faire la fonte Sorel contient de très faibles quantités de vanadium, comme ceux utilisés autrefois par les fabricants de métal indiens. La teneur en vanadium du produit final se situe entre 0,005 et 0,01%. Les essais avec du minerai de Goa aux Indes ont donné la preuve que ce minerai aussi contient le taux nécessaire de vanadium (Réduction au bas fourneau à Paimpont, Fête du Fer 2003).
Le refroidissement extrêmement lent pendant la solidification de l’acier fondu conduit à la formation de très grosses dendrites d’austenite. Pendant le refroidissement et après la croissance de ces dendrites, le carbure de vanadium reste toujours devant le front de solidification et s’agglomère le long du centre des phases interdendritiques, au milieu du cémentite.
Pendant les opérations de chauffe à très haute température, la structure dendritique est dissoute par diffusion. Le cémentite des phases interdendritiques se mélange avec l‘austénite des dendrites et il se développe un lingot d‘acier hypereutectoïde de plus en plus homogène avec le temps de diffusion. Évidemment, les agglomérations de carbure de vanadium qui se trouvent au milieu des phases interdendritiques sont les derniers éléments diffusés et les plus petites parallèlement des „branches“ tertiaires et secondaires des dendrites seront les premiers partiellement ou totalement dissoutes en fonction de la durée du traitement thermique parce qu‘ils se trouvent dans les phases en cémentite les plus minces. Les agglomérations les plus importantes parallèlement aux branches primaires des dendrites resteront plus longtemps.
Dans le même temps, une couche molle d’acier décarburée va se développer à l’extérieur du lingot, créant ainsi une couche protectrice pendant la forge.
Dans la dernière phase du travail, cycles de chauffe et forge, une partie des carbures de fer va se dissoudre durant la chauffe et vont retourner dans le système cristallin pendant le refroidissement. Les agglomérations de vanadium qui servent de noyau de grossissement, vont lier beaucoup plus de carbides que le reste de l’acier, formant ainsi des chaînes ou des filets de carbures.
Après environ 25 chauffes, apparaissent les premiers résultats visibles de formation de cette chaine. Ces chaines de carbures sont les lignes brillantes que nous recherchons dans les motifs damassés. Après plus de 50 cycles, les lignes apparaissent clairement et les motifs de la surface peuvent même être travaillés par meulage ou fraisage comme on le fait avec les aciers de corroyage.
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Voilà, vous remarquerez le passage sur l'absence de trempe, ceci est surtout dû, me semble t-il au choix de l'emplacement de la lame dans le bloc de Wootz: la partie la plus carburée donnant le tranchant, la moins carburée le dos.
Ensuite voici l'exemple de réalisation qu'il m'a envoyé aujourd'hui:
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Concernant les pliants avec lame en wootz, il y a pour l'instant une
sorte de développement de base. Il y a très peu de gens qui font du
wootz, mais je peux dire qu'il y a de plus en plus de couteliers qui
font (toujours très peu) des couteaux pliants avec des lames en cette
matière. Pour vous montrer un exemple, j'ai adhéré des photos d'un
couteau que je possède et qui a été fait par André Thorburn de l'Afrique
du sud. La lame est en stainless wootz de ma fabrication, les mitres en
damas mosaïque "monogramme", aussi par moi. Les liners sont en titane
anodisé et les plaquettes du manche en nacre perlière black lip.
Cordialement,
Achim
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Enjoy...