Ben non c'est pas pour rire: un couteau tactique c'est un couteau fait pour travailler dans les conditions les plus dures, aux tâches les plus ingrates. Il faut bien se rendre à l'évidence, un pliant ne se justifie alors pas vraiment; en général dans ces conditions il n'y a pas vraiment de raison de planquer le couteau au fond de sa poche. Le fixe à la ceinture est sans doute finalement moins encombrant, et gage d'une solidité quasi absolue, bien plus facile d'entretien également. Pas de pivot à régler ou graisser, pas de truc à démonter au nettoyage, pas de jeu possible dans les mécanismes (et pour cause).
La lame carbone s'impose pour moi également, l'oxydation n'est jamais un problème, ou en tout cas pas chez moi, dans la mesure où le couteau est utilisé souvent, essuyé à chaque usage. Et ce type d'acier est gage d'une qualité de coupe inégalable à mon sens, et selon mon expérience. Le fil tient-t-il moins longtemps: cela reste à voir, et surtout c'est tellement facile à affûter (bon en l'occurrence sur une émouture convexe encore faut-il savoir le faire), y compris sur le terrain.
Voici donc l'engin: un Plazen de 21,8 cm, pour une lame de 10,5 cm, qui fait quand même ses 5 mm d'épaisseur. Un sandwich de C145 (c'est possible ça?, en tout cas pas du C130) et de vieux fer je pense, assurant dureté du tranchant et souplesse (relative quand même, cela reste une lame épaisse) de l'ensemble. Montage sur soie riveté au pommeau, sur une rondelle de laiton.
Le manche est en loupe de chêne, préalablement pourri quelques années: j'adore le résultat, je suis vraiment tombé amoureux de ce manche, alors que beaucoup de Plazen sont en buis (et le buis c'est beurk caca, bien que je n'en ai jamais tenu en mains).
Férule forgée, avec un rendu aujourd'hui classique mais magnifique.
L'esthétique est fortement inspirée des couteaux nordiques dont je ne raffole pas en général, c'est donc bien qu'il y a là autre chose: c'est clair ce look là est unique et reconnaissable au premier coup d'oeil. Eric Plazen, fait aussi pas mal de manche en "queue de poisson", et ça aussi c'est beu... enfin j'aime moins.
L'étui est fonctionnel, en cuir naturel, solide, tenant bien le couteau; bon à l'usage et avec l'expérience de mon premier Plazen, ça se détend pas mal si on utilise beaucoup le couteau. Disons que l'étui remplit son office, pas plus. Ce n'est pas un étui carvé de Bruno Duffort, mais ça le fait. La simplicité fait la beauté.
Pour faire le relou, une couture à la place du rivet pour tenir le passant serait peut-être mieux, d'autant que le dit rivet reste apparent à l'intérieur, non protégé, au risque de rayer la lame: faux problème, ce type de sandwich fait vraiment que les rayures restent très peu visibles. Au besoin un coup de papier à carrosserie grains 600 rend la lame à l'état neuf, sans traces apparentes: ce n'est pas vraiment un poli miroir.
Le manche, joliment pourri...
Et le poinçon d'Eric Plazen; l'acier de la lame est magnifique à l'œil (même si je n'arrive pas à le faire sortir en photos)
La férule, et les coups de marteaux visibles...
La prise en mains est le gros point fort du couteau: parfaite, d'une douceur extraordinaire, le couteau fait corps avec vous. Bon j'ai de grandes mains, et le manche est assez gros. A voir dans de plus petites mains donc. A noter qu'en forçant pointe en avant, il y a toujours le risque que les doigts ne glissent sur la lame.… pas bon ça, heureusement le pommeau se loge au creux de la paume et retient le couteau.
Le dos de la lame est "usiné", de forme trapézoïdale, et ça c'est génial, affinant l'aspect vu de dessus, très confortable pouce sur la lame.
Le tranchant neuf est redoutable: il faut vraiment faire gaffe. L'entretien n'est quand même pas si facile, c'est un fil convexe, donc il faut maîtriser la technique. A noter que si on le fait souvent, le cuir et la pâte à polir suffisent. Pour la pierre, pour l'instant je ne suis pas champion. Bon on perd un peu si on n'est pas un as de l'affûtage, mais on arrive à le garder rasoir.
En revanche le tranchant est très dur: donc en cas de choc sur un truc plus dur, ben ça s'ébrèche. Ça c'est un peu con je trouve, pour un mec assez peu soigneux comme moi, ou disons simplement pour un mec qui utilise ses couteaux ailleurs que dans l'assiette ou au bureau, on se retrouve vite avec deux trois petites dents. Bon ce n'est pas un drame (aidez Tigrou à se relever, ce n'est qu'un malaise vagal, ça va lui passer...).
Cependant je n'ai pas eu ce souci sur mon premier Plazen, il est vrai que je l'avais moins utilisé.
La tenue du fil pour laquelle sont réputés les Plazen n'est pas extraordinaire: je l'utilise beaucoup, donc je le repasse au cuir tous les soirs... Ce n'est pas vraiment utile, garder un tranchant rasoir c'est un truc de geek.
J'utilise le couteau pour tout: manger, tailler des trucs quand je me balade, bosser sur mon tas de ruines, en virée en forêt à côté d'un camp-knife ou d'une hachette. A noter que pour une lame aussi épaisse il s'en sort très bien en cuisine (ce qui est quand même un test), là où échouent beaucoup de tactiques, et très bien pour tailler des bouts de bois, là où les émoutures de burin des autres permettent de sortir des copeaux micrométriques avec un couteau de trois kilos. Sans doute à cause de la qualité du fil, de l'émouture et des aciers employés.
La forme de la lame un fil droit, une vraie pointe, et entre les deux une vraie courbe qui permet de couper en poussant (à faire: le test de la cuillère en bois), en fait une lame parfaite à mes yeux, ultra polyvalente.
Tiens la voilà la cuillère en bois de nerd de la forêt, faite au Plazen: impossible de faire ça avec un XM18, un strider, même un Amlock à l'émouture pourtant super fine, mais auquel manquera l'arrondi de la pointe...
En guise de conclusion.… Oui c'est comparativement aux pliants déjà testés un meilleur choix, qui plus est super abordable, pour une utilisation "Nature", et quotidienne. Après il faut aimer le look, quand même super sobre, et super rustique. Moi je recommande les couteaux d'Eric Plazen à quiconque n'a jamais tenu ça dans ses mains: on en tombe vite amoureux. C'est un vrai couteau "sentimental", un compagnon quoi, qu'on a plaisir à garder sur soi. Pas facile d'avoir ce rapport là avec un XM18 par exemple, quand même plus bout de ferraille high tech.
Maintenant je trouverais chouette que les possesseurs de Plazen donnent leur avis sur leur couteau (un peu plus que "tranchant redoutable!" hein, voilà ce qu'on entend tout le temps sur les Plazen): est-ce qu'ils l'utilisent? Pourquoi? Est ce qu'ils le trouvent beau? Bref tout ça quoi...