Grand dossier « Sidelock »
Pour bien débuter un sujet aussi vaste et futile, il convient d’abord de définir le terme « Sidelock » appliqué à la coutellerie.
Sidelock vient de l’anglais et veut dire « fermeture par le côté ». Pour shématiser on peut dire que les couteaux Sidelock ont en commun :
• De s’ouvrir comme on ouvre un livre,
• De ne posséder qu’une seule platine ou un manche squelette .
Partant de ce simple constat, on pourra classer les différents systèmes Sidelock selon la complexité de leur dispositif de blocage et leur année d’invention chronologique. En effet sur ce type de brevet, les couteliers qui se sont penchés sur la question n’ont pas cherché à breveter « l’ouverture par le côté » mais plutôt à protéger des modèles dont la sécurité a évolué au fil du temps.
Ainsi dans l’ordre chronologique on retrouvera le plus ancien brevet en Allemagne en 1880.
En recherchant sur le net pour étayer ce dossier, je suis tombé sur des tas de brevets de Sidelock… Je vais avoir besoin d’un peu de temps pour éplucher toute cette littérature en anglais.
L’année marquante, c’est 1972. Année où le grand Blackie Collins inventa et breveta le Side-Lock…La firme Mountain Forge s’en empara et lança le premier modèle largement diffusé…
I. Le Mountain Forge Sidelock :
Extra-plat à manche squelette, il a été développé par le grand génie des brevets, Walther « Blackie » Collins pour le compte de la firme Mountain Forge, à Cleveland, USA. Brevet n° US Pat 4083110.
La retenue de la lame ouverte et fermée se fait grâce à l’élasticité des deux branches du manche qui font ressort sur le large talon de lame. Un axe fin traverse ce dernier et la lame tourne autour. L’immobilité se fait par l’ajustement des pièces façon tenon et mortaise. Talons de lame arrondis et branches creusées en rail viennent coïncider parfaitement, assurant un verrouillage suffisant pour une coupe normale « légère » mais dangereuse dans tous les autres cas.
La moindre torsion un peu appuyée vient sortir la lame de son rail.
Ainsi, pour refermer, il faut forcer latéralement pour faire sortir la lame des rails et pouvoir la replier dans le manche.
On notera la présence d’un trou pratiqué à la base du manche et destiné à passer une dragonne.
Caractéristiques techniques – Dimensions :
- Longueur ouvert : 16,7 cm
- Longueur fermé : 10,4 cm
- Longueur de lame : 9,1 cm
- Longueur de lame utile : 6,2 cm
- Epaisseur de lame : 4 mm
- Epaisseur du couteau : 6 mm
- Poids : 90 grs
- Matériaux manche et lame : acier inoxydable poli miroir. Emouture creuse.
Cette pièce au design minimaliste n’est plus fabriquée et il est difficile d’avoir des informations sur Mountain Forge.
A noter également l’existence d’un scalpel utilisé en chirurgie vétérinaire et reprenant le même principe, avec lames interchangeables (cadeau de Bzorg ).
II. Sidelock de Jean-Pierre Treille :
Ce modèle créé par Jean-Pierre Treille à la fin des années 80 est un prototype qui n’a malheureusement pas eu de suite commerciale.
Jean-Pierre est coutelier à Thiers et l’actuel trésorier de la Fédération Française de coutellerie.
La lame pivote latéralement dans le manche, comme le modèle de Mountain Forge. La différence notable réside dans la présence d’un cavalier basculant manuellement, qui vient bloquer le talon de lame, ouvert et fermé.
L’ensemble est en acier inoxydable.
III. Basic Tools Sidelock :
Celui-ci est japonais et produit par la firme industrielle Basic-Tools.
Même principe de bascule de lame mais sécurité maximale offerte par la conception du manche façon boîte à couvercle coulissant.
Les deux parties sont en alu et parfaitement ajustées.
Une petite inscription destinée à la sécurité de l’utilisateur est gravée sur le couvercle : Slide open, avec une double flèche.
Le couvercle coulisse jusqu’à rencontrer une petite butée, évitant de le séparer du corps à l’ouverture.
A la fermeture, une autre butée associée à une double lame-ressort vient maintenir le couvercle et assure un blocage efficace en empêchant tout jeu vertical et horizontal.
Caractéristiques techniques – Dimensions :
- Longueur ouvert : 17,5 cm
- Longueur fermé : 10,5 cm
- Longueur de lame : 7 cm
- Longueur de lame utile : 6,8 cm
- Epaisseur de lame : 3,5 mm
- Epaisseur du couteau : 9 mm
- Poids : 40 grs
- Matériaux manche : aluminium
- Matériaux lame : acier 440. Emouture creuse – rasoir
C’est un outil fonctionnel et pratique, aux lignes anguleuses.
Une fois fermé, il ne ressemble en rien à un couteau. Tout au plus peut-on deviner la lame par la fenêtre découpée à l’arrière de la coque et qui aide à basculer la lame avec l’index (voir photos).
IV. Le Sidelock de Zico :
Couteau italien des années 90. C’est un custom du coutelier italien Zico, entièrement en damasteel.
Il se caractérise par son manche squelette et par la finesse de son design.
Ici le déblocage se fait par un levier à dépression sur le dessus de la poignée.
Caractéristiques techniques – Dimensions :
- Longueur ouvert : 17,5 cm
- Longueur fermé : 10,5 cm
- Matériaux manche et lame : acier damasteel. Emouture plate.
V. Le Flipknife, d’I.D. 2000 :
Conçu en 2000 par Steve Mearns, patron de la firme industrielle hollandaise Imagical Design, ce couteau a une sacrée histoire.
Son concepteur l’a présenté en 2000 à Böker et CRKT qui ne se sont pas montré intéressés. Steve Mearns l’a donc produit lui-même et sous-traité les pièces métalliques à Sheffield.
Quelques années plus tard, un employé de Böker en a commandé un par internet et plus tard ils ont sorti leur Böker « Quick Flip » (voir VI.), très dangereux à ouvrir et refermer. Ils ont pratiquement copié le nom « Flipknife » et sorti un mauvais couteau avec de toutes petites pièces mobiles, fragiles et difficiles à nettoyer. Couteau muni d’un manche évidé uniquement bon en prise poignard. Ceci a donné un emauvaise image aux système à ouverture par le côté, comme l’a fait également le CRKT Van Hoy Snaplock (voir VIII.), qui, de l’opinion de Steve Mearns, est difficile à ouvrir et lorgne sur ses brevets.
Je précise que cette histoire m’a été racontée par Steve lui-même.
A présent que peut-on penser de Flipknife dont son concepteur fait si grand cas ?
Et bien, à l’usage il s’avèe que c’est le plus sécurisant de tous et le plus agréable en main.
Les différences par rapport aux autres systèmes Sidelock :
- Le manche :
Il n’est pas voué à servir de ressort. Ainsi la matière choisie est de la fibre de carbone (il existe aussi en zytel – noir ou bleu), solide, large et bien en main. Sa forme squelette ergonomique est bien adaptée à un usage EDC. Trou de dragonne d’usage.
- La lame :
En acier à haute teneur en carbone, elle possède une forme drop point, Dureté 58 HRC, polie miroir, émouture plate. Très fonctionnelle.
- Liaison manche/lame :
Par pivot de 4 mm de diamètre, sans aucun jeu, et possédant une vis de serrage (voir photo) ? Ce pivot semble très solide.
La lame est prise à sa base dans un bloc de fibre de carbone et renforcée des deux côtés par des plaques d’acier rivetées ensemble. Cela donne épaisseur, solidité et facilite rotation et blocage.
- La languette de sécurité :
Une languette d’acier trempé vient se loger entre les deux plaques du talon de lame, légèrement proéminentes. Cette tige assure un blocage bien ajusté et très efficace.
Un blocage optionnel, sous forme d’un cavalier mobile, vient bloquer la course de la languette.
Ce verrouillage, ouvert et fermé, fait de ce système le plus performant des Sidelock, à mes yeux.
Caractéristiques techniques – Dimensions :
- Longueur ouvert : 19,5 cm
- Longueur fermé : 12,8 cm
- Longueur de lame : 7,7 cm
- Longueur de lame utile : 7,5 cm
- Epaisseur de lame : 3 mm
- Epaisseur du couteau : 1,2 cm
- Poids : 140 grs
- Matériaux manche : fibre de carbone composite (fc + résine – moulé)
- Matériaux lame : acier carbone. Emouture plate
VI. Le Böker Quick Flip :
Sorti en 2004 de l’usine Böker de Solingen, ce système possède une ouverture circulaire dans le manche, qui permet de pousser le lame avec l’index pour la déployer. Un simple coup de poignet terminera le mouvement d’ouverture.
Un « clic » bien audible nous confirme le bon verrouillage.
Pour refermer il faut d’abord appuyer fort sur le rondelle centrale tout en abaissant la lame et en le repliant.
Le blocage est basé sur une languette/liner arrivant dans une encoche du talon de lame.
On le comprend bien : ce système est complexe. J’ajouterai même, pour compléter les mots de Steve Mearns, qu’il est dangereux.. Pas tant dans le dispositif de blocage mais plutôt par l’ouverture et la fermeture.
On peut ajouter aussi que la rétention en position fermée est assez faiblarde. La lame est retenue par une petite bile en titane insérée dans le dos de celle-ci, pour la 1ere version sortie (le mien est numéroté 263), et par une bile en acier par la 2eme version.
Ce couteau a connu un bide commercial pour deux raisons :
- Système peu convainquant,
- Trop dangereux à porter.
J’ajouterai que l’émouture creuse est particulièrement efficace ! A tel point qu’en développant une ouverture rapide pour ce couteau, ma main m’a trahi et l’a lancé en direction du sol, coupant mon bermuda au passage et ma peau sur 1 cm de profondeur et 4 de large. Je précise que ce Böker a juste fait un petit vol plané et m’a juste effleuré, sans se planter en force !
Bilan : le bermuda coton très épais HS, le Phil aux urgences (un 15 Août 2004 ! heureusement c’était calme et je fus très bien recousu).
Donc tranchant SCARY SHARP testé sur être humain non consentant.
Caractéristiques techniques – Dimensions :
- Longueur ouvert : 19,6 cm
- Longueur fermé : 10,6 cm
- Longueur de lame : 9 cm
- Longueur de lame utile : 8,5 cm
- Epaisseur de lame : 3 mm
- Epaisseur du couteau : 9 mm
- Poids : 107 grs
- Matériaux manche : inox
- Matériaux lame : acier 4034. Emouture creuse – rasoir
Au finish, c’est quand même un système attachant pour un dingue comme moi.
Belle lame, bon ratio longueur de manche//lame, trou de dragonne. Clip pas pratique car trop bas, usiné dans le prolongement de la languette/liner.
Plus personne ne veut le manipuler dans la famille. On se demande bien pourquoi…