par Romain » 24 Mai 2018 01:08
Pour les aciers, tu as deux choix : Tu n'es pas soigneux : inoxydable. Tu es soigneux : qui rouille.
Dans les qui rouille, deux grandes familles :
Pour les très soigneux, le shirogami (ou white paper steel, du nom du papier qui emballe la barre d'acier) : du fer, du carbone et pis c'est tout. Un truc de puriste. Acier qui répond très différemment selon son traitement et exprime la qualité du coutelier. Pour ceux qui cherchent un beau hamon, la ligne de trempe sélective, et cultivent un âme de samouraï. Deux nuances : le shirogami 1 est plus élevé en carbone donc a priori plus dur que le shirogami 2.
Pour les moins soigneux, l'aogami (ou blue paper steel, du nom du papier qui …) : du fer, du carbone comme pour le shirogami et plein de petit trucs en plus pour le rendre plus mieux. Deux nuances : l'aogami 1 et l'aogami 2, le 1 étant plus chargé en carbone que le 2, donc plus dur. Ils demandent un traitement plus précis.
Il s'ajoute une troisième nuance: le super aogami qui là demande un traitement très très précis et est une galère à forger. (le fameux "NAS" chez Takeda, qui est sa deuxième stratégie de traitement mise au point de l'aogami super steel, plus dur et plus fin que ceux marqués "AS" ) Un truc de geek.
Dans les inoxydables, ceux que tu rencontreras le plus :
Ginsanko (Gin) : l'inox du même fabricant que les aciers précédent (hitachi). inoxydable classique, un peu notre inox 19C27. Franchement, t'as un peu de budget, donc tu t"en fout.
VG 10 : inox vraiment chouette, sûrement le choix qui optimise le plus le rapport performance / prix / entretien
et des trucs de geek en métallurgie des poudres qui permettent d'augmenter le taux de carbone sans pour autant en faire de la fonte :
SG2 : pouvoir de coupe de la mort pour un inox.
ZDP 189 et Cowry X : concentration de carbone et dureté extrême, donc maintient de fil de ouf, sauf si tu casses tout.
La question n'est pas de prendre forcément le plus dur à tout pris. Pour un Deba qui va casser des arrêtes ce n'est pas très conseillé par exemple, le tranchant risque d'avoir à être souvent refait, et difficilement en plus. En revanche, pour un fuguhiki, un yanagiba très fin pour couper la chair du Fugu, le poisson dont on meurt quand la préparation est loupée, c'est plutôt pas con pour réussir à trancher d'un seul geste sa chair élastique en tranches transparentes.
Surtout, il faut que tu pense aux pierres qui vont avec tes couteaux... Avec ZDP 189, dès fois, c'est la pierre que tu affûtes.
En, fait, choisir des couteaux, c'est choisir un écosystème. Couteau - entretien du couteau (pierres, technique d'affûtage, essuyer ou pas son couteau, planche en hinoki ou en plastique...) - cuisine !
Car la vraie question à laquelle, tu ne réponds pas, c'est qu'est-ce que tu va cuisiner avec ces couteaux.
Si tu cuisines japonais, il y a des découpes qui ne sont accessibles qu'à des émoutures asymétriques ou des impératifs qui les font préférer. Par exemple, pour écraser le moins possible la chair d'un poisson à la découpe, et poser chaque tranchette dans la continuité du geste sur une planchette de service, on n'a pas fait mieux qu'un yanagiba.
Si tu cuisines français, en revanche, mais que tu veux quand même des couteaux japonais car tu préfères leurs looks, leurs aciers, qui sont plus coupants et plus durables, leurs équilibres, plus en avant du couteau, et que le système de la coutellerie européenne, très adapté à sa cuisine avec des acier plus mous mais qui n'ont peur de rien et se réaffilent de trois coups de fusil, alors les émoutures symétriques sont sûrement les mieux adaptées, ne serait-ce que pour s'éviter le temps d'adaptation à la dérive latérale des émoutures asymétriques.
Dans ce cas, plutôt que de tourner autour du système japonais Deba-Yanagiba-Usuba, tu recherches des équivalents à la coutellerie française qui tourne autour de : un office & un grand chef + quelques bonus comme un économe, un désosseur, un filet de sole et un bec d'oiseau.
Tu prends par exemple : un tout petit petty hyper pointu (en shirogami car il n'y a pas grand chose à essuyer) pour faire bec d'oiseau et petit office, un bunka ( en acier inox mode métallurgie des poudres) de 13-14 cm pour faire un intermédiaire et kiffer les joies de la découpe en avant au quotidien, un grand gyuto au profil arrondi (en vg10 martelée avec un suminigashi / damas, ça claque et c'est solide) pour ne pas oublier le geste façon "rocking chair" de l'éminceur-grand chef français, un désosseur hankotsu (en aogami, histoire de tester) pour ne vraiment pas faire comme tout le monde, un économe Kaï parce que sa qualité en terme de pouvoir de coupe, le fait qu'il soit réaffutable et la finesse des épluchures qu'il produit est juste incomparable avec quoique ce soit de français, et un filet de sole bien français, d'un coutelier de Thiers, parce que tu as appris avec une lame toute fine et toute souple et que tu trouves que ce gros Deba, avec sa lame d'un centimètre d'épaisseur, c'est vraiment n'importe quoi.