Je vois que beaucoup de membres se posent ici des questions sur les duretés des aciers, et je me faisais la réflexion qu’on n’y avait pas encore consacré de fil de discussion, ce qui est assez étonnant puisque c’est une des rares caractéristiques de leurs produits que tous les fabricants industriels mettent à disposition des clients.
Que pensez-vous de centraliser ici les infos sur ce sujet ?
J'ai noté quatre questions qui sont revenues, mais il doit y en avoir d'autres que tout le monde doit se poser …
Quand on aura bien rempli ce thread, je changerai le titre en "Tout ce que vous avez toujours voulu savoir sur la dureté sans jamais oser le demander " …
1. Pourquoi la dureté intéresse t’elle les amateurs de couteaux ?
A mon sens pour deux raisons :
Pour qu’un couteau coupe « bien », 3 choses sont importantes (grossièrement) :
- la géométrie de la lame (surtout l’émouture)
- les carbures : il faut qu’ils soient nombreux et intergranulaires (fonction du % de carbone dans l’alliage, cas particulier avec la présence d’azote) pour la résistance à l’usure et aussi il faut qu’ils soient petits (laminage ou forge), pour l’effet « micro scie »,
- la dureté, pour que le fil et le tranchant ne plient pas dès que la lame regarde de trop près un bout de balsa.
D’autre part, il existe un lien linéraire entre la résistance mécanique (rupture) d’un acier carbone et sa dureté.
2. Comment mesure t’on la dureté ?
La dureté est une grandeur anisotrope, variant avec les directions cristallographiques ; il est
difficile de s'en servir comme caractéristique absolue.
Néanmoins, les matériaux sont communément classés depuis 1822 sur une échelle de dureté dite de Mohs qui n’a jamais satisfait les métallurgistes, et pour cause, il n’y a qu’à la consulter : trop grossière.
Aussi ces mêmes métallurgistes ont choisi plusieurs méthodes de mesure (Brinell, Vickers, Rockwell), presque toutes sur le principe de mesurer l’empreinte que laisse un pénétrateur d’une forme donnée dans la matière, qui permet en pratique d’annuler l’effet anisotrope cité plus haut.
La méthode utilisée pour les couteaux est la méthode Rockwell C de 1932 qui se note sur l’échelle HRC. Contrairement à la méthode Rockwell B (HRB) qui utilise une bille, on utilise un cône diamant à 120° d’extrémité sphérique (diamètre 0.2mm) qu’on enfonce en deux étapes sous une charge de 100 kg puis 150 kg. La différence de profondeur d’enfoncement donne la dureté. C’est une méthode un peu compliquée, mais qui donne des résultats fiables.
Grossièrement, la dureté varie entre 54 et 62 HRC pour la majorité des couteaux industriels, parfois 64-66, mais c’est exceptionnel.
Un petit lien en anglais vers plus d’infos :
http://www.instron.tm.fr/wa/applications/test_types/hardness/rockwell.aspx
3. Comment varie la dureté ?
La dureté d’un alliage est fonction particulièrement de :
- sa composition, je vous encourage à parcourir le site de Leeroy pour ce point
- son élaboration (laminage puis stock removal ou forge)
- les traitements thermiques.
En fait, les deux premiers sont souvent les mieux maîtrisés de nos jours, le troisième est un point délicat. Un acier juste trempé atteint des duretés pharaoniques de plus de 70-80 HRC mais aussi une fragilité énorme et un stress important du matériau, ce qui nécessite des opérations de revenus pour diminuer cette valeur.
4. Y-a-t-il un lien entre la dureté et la facilité d’affûtage ?
Sur une même nuance d’alliage, oui. Mais absolument pas dans le cas de deux aciers de compositions différentes. Un acier de 60 HRC peut être très difficile à affûter parce que les grains sont trop gros alors qu’un autre acier peut afficher la même dureté et s’affûter facilement parce que les grains d’acier sont plus petits, la dureté étant alors davantage le fait de carbures très petits, du coup la matrice en ferrite du grain est plus facilement « abrasable » par la pierre.
Le VG10 est l’exemple même de l’acier très dur qui s’affûte pourtant bien mieux qu’un 440C de même dureté.
A vous de compléter !!