Bonsoir,
Voici un petit couteau que j'ai terminé il y a quelques mois mais dont je n'avais pas pris de photo. Il est donc patiné par une utilisation variée à table.
J'aimerais bien lui trouver un nom mais rien ne convient bien, car entre l'idée du départ et le résultat final, ça a changé complètement. Peut être que pour vous il n'aura rien de post apocalyptique, mais il colle à peu près avec une certaine vision de ce peut être un univers post apocalyptique. Loin du wasteland de Mad Max, beaucoup moins aride et brutal. Plutôt une Europe en ruine, dont les structures politiques se seraient effondrées pour quelque raison que ce soit, et où il ne resterait que peu de population, vivant sur les ruines de la civilisation précédente, au milieu d'espaces naturels redevenant sauvages. Peut être une période de transition entre aujourd'hui et l'univers de mad max. Bref, voilà pour le cadre. Dans le décor de la première photo, j'ai essayé de placer des éléments qui évoquent ce à quoi je pensais quand j'ai fini le couteau. Une nature sauvage (le bout de bois vient du désert du nevada), des restes d'industrie à recycler (vieille visserie rouillée et morceaux de charbons ramassés sur un terril), le besoin de trouver de la nourriture dans la nature (bout de l'os à moelle qui a servi à faire les mitres).
Je mets les photos, et après je raconte l'histoire de sa fabrication, parce que je la trouve fun et intéressante. La lame est grise, mais rend bleue sur les photos, je n'ai pas réussi à avoir le rendu correct...
L'histoire de la fabrication de ce couteau commence avec une série policière quelconque, où un motard porte un petit boot knife pointu avec un manche noir et blanc. Je me dis, "tiens, je m'en ferais bien un comme ça", ça ferait un beau Bad Boy Knife. Et je commence par usiner la forme précise du couteau que je veux, grosso modo le manche qui est sur les photos d'au dessus, mais une lame plus longue, avec un léger drop point, bref une forme de joli boot knife classique. Je torture la lame à la perceuse en guise de vieillissement (j'aime bien ça). Vient l'étape de la trempe, on chauffe le tout, on plonge dans l'huile... super, la lame n'est pas voilée et le fil et resté droit. Et là je réalise que je l'ai plongée dans l'huile à l'envers et que la pointe est remontée... dans le mauvais sens! Ce qui donne une sorte de semi sheepfoot absolument dégueulasse. Qu'à cela ne tienne, ça doit être récupérable. Je commence à modifier la pointe, et pour avoir quelque chose d'harmonieux il faut aussi revoir la ligne du tranchant... mais c'est pas mieux qu'avant! Je pique une colère, balance la lame dans le tiroir et pars faire autre chose.
Quelques mois plus tard, je retombe dessus, et je recommence à essayer d'en tirer une forme correcte. Cette fois ci, j'arrive à un truc à peu près correct, en diminuant aussi la largeur du manche. Ce sera la forme définitive. Et à partir de cette lame, je réfléchis à ce que je vais pouvoir faire autour. La forme ne convient plus pour le Bad Boy Knife de l'idée de départ, donc il faut trouver autre chose. Je garde le concept du "noir et blanc" avec mitres blanches et bois noir, mais je décide de faire un couteau usé, qui a souffert, ce que moi j'appelle post apocalyptique. Ce sera donc de l'os blanc / beige pour les mitres, et du chêne ébénisé pour les plaquettes, d'autant plus que je veux essayer l'ébénisation depuis longtemps. Pour la lame, histoire d'accentuer le côté usé et torturé, j'attaque à la dremel et j'aime bien ce que j'obtiens. Après un polissage décent, je décide de passer le tout au perchlorure de fer "sale", c'est à dire avec des poussières et de la calamine qui flottent dedans. Et je m'amuse à l'étaler au pinceau, je ne sais plus comment, au pif quoi. Ca donne le résultat qu'on voit sur les photos, avec d'un côté un grain (qui n'est pas le grain de l'acier!) texturé, et de l'autre côté un grain plus léger et de petites lignes, qui doivent correspondre je suppose aux coups de pinceau. J'adore, mais je parie que je n'arriverai jamais à le refaire
Passons aux mitres. J'achète des tronçons d'os à moelle au supermarché du coin, et je les fais au four avec un peu de gros sel et des tartines. C'est bon mais c'est fort, on retrouve dans le goût l'odeur écœurante de l'os qu'on scie et qu'on ponce, mais en bon. Ma chienne et moi, on se régale, je laisse refroidir, et je commence à scier les plaquettes dedans. La cuisson a donné de jolies couleurs, qui n'apparaissent pas à la photo malheureusement. C'est une sorte de beige, avec des auréoles par endroit, j'aime bien. Et ça reste solide.
Reste la question du chêne ébénisé. Il s'agit d'une technique qui consiste à teindre un bois tannique en le frottant avec de la laine d'acier trempée dans du vinaigre. La réaction des tanins avec l'oxyde de fer donne la couleur noire, si j'ai bien compris. En tout cas, ça colore très bien les bouts de doigts, mais pour le bois c'est raté… je crois que ma laine d'acier était trop grosse, car j'enlevais la couche précédente en appliquant la suivante. Bon, je persévère quelques jours, et je finis par laisser tomber, je n'y arrive pas. Dommage car le chêne a une belle fibre, ouverte, qu'on ne retrouvera pas sur l'ébène. Pour ne pas tout jeter, j'essaye de noircir les plaquettes en les brûlant à la flamme. J'avais obtenu un bel effet une fois, en faisant ça à la lampe à souder sur un autre bois (zericote? sais plus...). La cartouche de la lampe à souder étant vide, j'essaye au simple gaz de ville. Ca ne rend pas, c'est effectivement noirci, mais ça fait moche. Au rebus ! Quelques temps plus tard, afin de le finir une bonne fois pour toutes, je découpe des plaquettes en ébène, et je finis la mise en forme. Presque fini? … Non!
Dans ma tête, et toujours dans le trip post apoc', je l'imagine bien comme un petit outil de bricolage pour électricien ou pourquoi pas mecano. Et je me dis que pour mater les rivets sur les plaquettes, des rondelles pas carrées, de forme bien destroy, ça doit faire top. Je commence donc à découper des petits papiers de forme diverse, pour voir ce qui ferait bien. Je veux deux rondelles d'un côté, et une rondelle et une plaque de maillechort de l'autre. Pour les rondelles, j'en prépare en maillechort pour tester (à la dremel), et je me rends compte qu'en fait ça ne va pas. Le manche est trop petit pour mater des rivets sur rondelles, ça fait trop épais, trop gros, trop moche. Rondelles au rebus, les rivets seront simplement collés, en plus mater sur de l'ébène, c'est risqué. On perd en style, mais la plaque en maillechort fera bien pos apoc'! J'essaye donc de trouver une forme... plaque gravée, éclair... plusieurs essais, rien ne rend bien. Au final, je finis par choisir la bonne vieille pointe de flèche chère à Bill Scagel et qu'on retrouve beaucoup dans le old west. Mais la mienne sera un peu destroy. Ca, ça me plait. Et ça colle avec le style au final, enfin dans ma tête ça colle. C'est le principal Je fabrique la pointe en maillechort, à la dremel, puis je veux la vieillir au perchlo. Et là, horreur, ça devient tout gris et c'est affreux. Je n'avais jamais essayé le perchlo sur le maillechort, et je n'essayerai plus jamais. Pointe de flèche à la poubelle, on refait la même en acier. Et là, ça me convient! Je mets le tout en place, je colle, je polis une dernière fois le tout, et voilà le résultat. Pas du tout ce qui était prévu au départ, mais je me dis que ce n'est pas si mal pour un truc sur lequel j'ai merdé du début à la fin et perdu pas loin de la moitié du temps!
Il reste à lui faire à étui, j'y réfléchis parfois, mais avec cette pointe sheepfoot, j'hésite sur la forme. Mais j'ai quelques idées pour accentuer le côté post apoc' qui reste un peu léger à mon goût pour l'instant. Je regrette que le manche en ébène fasse trop lisse et trop neuf, même si c'est joli ce n'était pas le but premier, donc c'est un peu raté. J'ai failli retaper dans l'ébène pour ouvrir les veines du bois et le vieillir, mais je me suis dit que j'avais foiré assez de trucs comme ça et j'ai pas envie de devoir recommencer une paire de plaquettes lol
A l'utilisation, il est sympa pour la table et convient parfaitement pour récupérer le moindre bout de viande sur les carcasses et les os, avec sa lame fine et pointue. Du coup, maintenant je ne le vois plus comme un petit outil post apoc' de bricoleur, mais comme un couteau à manger post' apoc pour préparer les bestioles et aller chercher les petits bouts de viande et de moelle sur les carcasses, indispensable pour survivre dans un monde sauvage où la nourriture est rare! (et puis la carcasse sur le poulet, c'est super bon).
Espérant que ce long blabla vous ait intéressé, ou que dans le cas contraire, vous ayez abandonné la lecture dès le début!
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