par Madnumforce » 31 Aoû 2013 03:08
19C27: 0.95%C, 13.5%Cr, 0.65%Mn
D2: 1.5%C, 12%Cr, 0.9%V, 0.8%Mo
carbure de vanadium: VC (il faut un atome de vanadium pour "fixer" un atome de carbone)
carbure de molybdène: Mo2C (deux atomes de molybdène pour un atome de carbone)
carbure de manganèse: Mn3C
carbures de chrome: Cr3C2, Cr7C3, Cr23C6
Il est certain que le D2 contient plus d'éléments d'alliages carburigènes susceptibles de fixer le carbone, laissant relativement plus de chrome libre que dans le 12C27. Mais il faut cependant garder en tête que le carbone est aussi très bien au milieu du fer, c'est au dessus de l'eutecoïde (le fameux 0.77% du diagramme fer-carbone) qu'il est surnuméraire et "fonce" de lui-même former des carbures dès qu'il en a l'occasion (la dynamique de ce phénomène de formation des carbures lors du refroidissement après austénitisation est particulièrement complexe). En pratique, il est cependant quasiment impossible d'arracher le carbone en solution dans le fer en dessous de 0.4% lors d'une trempe. Sans vouloir trop m'avancer, je pense que le type de carbure formé dépend de la vitesse de refroidissement: plus il est brutal, moins les atomes ont le temps de bouger pour se recombiner, donc plus les carbures formés seront petits (donc prédominance du Cr3C2 et Cr7C3, beaucoup moins "gourmands" en chrome que le Cr23C6).
On voit bien que, selon le traitement thermique (à finition similaire), on peut vraiment inverser l'ordre dans la résistance à la corrosion. Si on austénitise le 19C27 chaud (mais pas trop longtemps afin de contrôler le grossissement du grain), de façon à mettre en solution tous les gros carbures gourmands en chrome (lors du recuit de l'acier, le Cr23C6 a tout le temps de se former), et qu'on fait une trempe vigoureuse (à l'huile agitée), les petits carbures se forment en priorité, et assez difficilement d'ailleurs, ce qui laisse un maximum de chrome "libre", celui qui assure la résistance à la corrosion. Si au contraire, pas peur (légitime) de grossissement du grain, on austénitise assez bas en température, qu'on laisse chauffer longtemps (ce qui est le cas pour la trempe en paquets, ce qui fait que malgré toutes les précautions qu'on prend, les lames qui chauffent le plus vite voient leur grain grossir) qu'on trempe comme on peu (si on fait de la trempe en paquet, de même que la montée en température n'est pas la même pour toutes les lames, idem du refroidissement, plus difficile pour les lames qui sont le plus au centre), alors on a des chances accrues que les gros carbures de chrome se soient conservés, ou que d'autres se soient formés lors d'un refroidissement trop lent, d'où une résistance à la corrosion diminuée.
Pour le D2, c'est pareil. Ce dont on est cependant certain, c'est que les carbures de vanadium se forment très vite, et ceux de molybdène à peine plus lentement, "suçant" ainsi une partie du carbone avant les gros carbures de chrome. Je n'ai pas les connaissances pour caractériser la dynamique de la formation de ces carbures-là, et l'ampleur de la "succion", je pense qu'elle est à peu près proportionnelle à la probabilité, dans un volume donné, que les éléments composants du carbures soient présents (par exemple, comme il y a 0.9% de V et 1.5% de C, et que le carbure est VC, la probabilité est de 0.009x0.015=0.000135, pour le carbure Cr3C2, étant donné qu'il y a 12% de Cr, 0.12/3x0.015/2=0.0003, mais pour le carbure Cr7C3 0.12/7*0.015/3=0.000083, et encore il faudrait travailler en moles, pas en pourcentages massiques). Mais il est certain qu'on épuise ni ces deux éléments carburigènes, ni le carbone (qui en réalité n'est pas dans le vide, mais "accroché" dans le réseau crystalin du fer et est aussi tenté de former des carbures avec le fer Fe3C, soit isolément, généralement aux joints de grains, soit au sein de structures plus complexes comme la perlite), que ce soit aussi bien lors du recuit qu'à la trempe. Je pense qu'ils sont aussi plus difficiles à désagréger, lors de l'austénitisation, que les gros carbures que peut former le chrome.
A la limite, le D2, grâce aux éléments d'alliage capteurs de carbone, risque moins de voir sa résistance à la corrosion varier à cause du traitement thermique que le 19C27. Cependant, alors que le taux tout de même assez élevé de chrome ne diminue pas beaucoup la dynamique de formation du petit carbure Cr3C2 facile à former (puisque de l'autre coté il y a aussi plus de carbone), ça fait tout de même moins de chrome libre restant pour l'inoxydabilité en cas de trempe vigoureuse empêchant la formation des gros carbures de chrome (dans le 19C27). Bref, le D2 a un niveau de résistance à la corrosion variant très peu en fonction du traitement thermique, alors que le 19C27 y est très sensible: austénitisé et trempé idéalement il a une meilleure inoxydabilité (on ne peut cependant pas espérer atteindre celle des aciers à "faible" taux de carbone), mais dès qu'on s'en écarte, les conséquences au niveau de la résistance à la corrosion peuvent être dramatiques. Cela se surajoute aux questions d'état de surface. Tout celà est intimement lié aux process de production, donc, et dépasse de très loin les caractérisations simplistes sur la seule base de la composition de l'acier, du moins pour ces nuances "limites" où le carbone "surnuméraire" peut ou peut ne pas former de gros carbures gourmands en chrome.
(chbim, ça c'est du pavé! Je suis fier de moi, tiens)
EDIT: et oui, c'est encore sans compter l'environnement. Je connaissais un mec qui avait les mains tellement acides, par exemple, que même pas une heure après qu'il ait posé ses doigts sur une lame carbone polie glace, on retrouvait dessus ses empreintes digitales en rouille brune (à titre de comparaison, j'ai une lame en C75 polie glace qui est restée stockée au fond d'une cantine pendant 5ans, elle est à peine piquée). Composition + traitement thermique + état de surface + environnement, ça fait un nombre colossal de facteurs.