Mmmmmh un bon petit Wenger de derrière les Fagots, petit quartier au charme piquant de la zone industrielle de la route de Bâle à Delémont,
le chant de la paire de ciseaux qui craquète quand on l’actionne,
le claquement haletant des ressorts polis amoureusement dans le baril délicieusement bruyant de la polisseuse à pierres,
la froide passion des lames dont on soupçonne encore dans les reflets paresseux le crissement des copeaux bleuis arrachés avec une sauvagerie toute calculée par les plaquettes en carbure de bore de la fraise trois tailles dans un déluge d’huile de coupe laiteuse à l’odeur entêtante et séduisante,
les belles plaquettes toutes lisses aux formes envoûtante et sensuelle en polyvinyle rouge, évocatrices de la noblesse de la presse à injection, ses sifflements furieux, ses effluves d’hydrocarbures raffinés, les innombrables molécules de benzène dispersées dans la hotte d’aspiration dont le doux chuintement des filtres en chaussettes s’harmonise si bien avec les claquements rythmés de l’électrofiltre,
ah, la petite notice d’utilisation imprimée recto-verso sur papier économique plié en quarante-douze dans la pure tradition d’il y a cent-dix ans, dans la petite boîte en carton recyclé aux évocations délicieusement surannées,
hmm, le petit autocollant QC passed, suggérant des mains habiles de travailleuse dévouée au Saint Système ISO, le crissement de la mine du porte-mine jetable Niceday HB 0.7 traçant langoureusement une croix dans la case appropriée de la feuille de suivi quotidienne,
Moi je préfère l’industriel, soyons franc … comment aimer autre chose après tout ceci ? Comment aimer l’à peu-près, la lime frénétique, le backstand bricolé, les bandes spontex de l’horrible tiré en long, le plateaux en feutre sisal polissant une lame guidée approximativement par des doigts tout noirs et couturés de cicatrices, le marteau pitoyablement faiblard, l’enclume bruyante et paysanne, les pièces chaudes trempées dans l’huile de vidange, les manches en bois imprégnés de la sueur laborieuse du coutelier débordé par des commandes de clients qui ne savent pas ce qu’ils veulent, ne savent pas ce qu’est un cahier des charges fonctionnels et ne seront de toute façon pas satisfaits à moins d’être simples d’esprit ?
Alors ?
Entre l’industriel et l’artisanal, je choisis …
… le hobbyiste, na !
