Jeune Freluquet innocent et heureux encore, en ce temps-là, je traînais ça et là sur la toile, surfant entre les sites commerciaux et les sites de grossistes dénichés au gré de mes errances, je parcourais avidement les sites et blogs de collectionneurs passionnés grâce à, toute modestie mise à part, mon habileté légendaire à dompter le sauvage (en ce temps-là) Google à l’aide de requêtes complexes et quasi-cabalistiques telles que « couteau », « coutellerie », « Victorinox », « Gerber » …
Puis vint un jour l’illumination : Eureka ! Par un cheminement intellectuel dont l’envolée reste aujourd’hui encore un mystère, je tapai « forum couteau » …………. et là, magie et sortilèges …
Je découvris alors, progressant d’un cran dans l’infection, un monde merveilleux, savourant les intelligentes réparties et les fulgurants traits d’humour des participants, m’imprégnant tel Bob l’éponge de cette veine de connaissance coutelière affleurant le long de la paroi aride de l’inculture de la normalité.
J’y appris notamment
qu’un SAK n’est pas un contenant en cuir ou en tissu qu’on porte à l’épaule,
qu’un EDC n’est pas sexuellement transmissible,
qu’un scramasax n’est pas un gâteau breton brûlé,
que CRK et CRKT sont deux choses bien différentes,
que Munich c’est central,
que des gens ont régulièrement sur eux plus de deux couteaux sans autre signe avéré de psychopathie grave,
que l’acier fritté n’est pas belge,
que l’expression « brute de forge » ne désigne pas un coutelier violent,
que graver le manche d’un opinel n’est pas forcément un truc de gardien de chèvres,
que c’est parce qu’on s’est mal démerdé que notre lame en carbone pue le vieux poisson en coupant le camembert …
et surtout que tout ce beau monde se posait plein de questions complètement loufoques … mais dont les réponses m’intéressaient bigrement !
Et puis un jour vint LE post qui provoqua en moi l’envie de m’inscrire pour répondre et là - tel un teckel noir et feu frétillant de la queue en attendant l’autorisation de plonger sa gueule dans les tripes fumantes d’un sanglier de cinq ans gisant aux pieds du valeureux chasseur dont l’arme lui confère l’assurance tranquille de l’hippopotame dans son bassin - je bondis pour donner mon avis sur un sujet que je connaissais … voyez le résultat.
Voilà comment l’infection se répandit en moi, faisant de moi ce ridicule knife geek invité aux dîners du mercredi, questionné avec des yeux pétillants de malice « alors, comme ça, vous aimez les canifs ? Est-il vrai que vous en avez toujours un sur vous ? Parlez-nous donc un peu de votre passion …»
Terrible.

- soupir –

pis d’abord, on dit pas canif mais couteau pliant … pffff, barbares

